Noir Désir est aujourd'hui
très populaire. On sait que ce sont la durée et la popularité
qui sont le plus difficilement supportées par un groupe. Comment
les relations humaines évoluent-elles entre vous ?
Denis : Cest vrai que
tout ça nous parait un peu plus compliqué qu'avant. C'est aussi
parce que nous nous sommes arrêtés longtemps. J'ai eu peur que
nos relations soient dénaturées, que la machine autour de Noir Désir
s'emballe plus vite que nous. Heureusement, on reste vigilants !
Bertrand : On est
vigilants, mais si nos rapports évoluent, ce n'est pas dû à
notre succès. On se connaît depuis très longtemps et on se
regarde changer. Pour ce qui est du business et de la promo, on évite
que cela puisse devenir un problème. C'est de toute façon ce que
nous considérons toujours en dernier.
Dans quel état d'esprit
vous êtes vous retrouvés pour créer l'album ?
Denis : Ca faisait un
an que nous nous retrouvions régulièrement. Et puis un jour, il
a fallu rentrer en studio. On ne peut pas dire que nous étions
dans les meilleures conditions, mais nous étions motivés. Nous
avions quand même subi des séparations avec beaucoup de gens.
Fred (basse) et Jean-Claude, notre manager étaient parti. Les
problèmes venaient du groupe lui-même. Faut croire qu'on abîme
les gens... (rires). Nos routes ont divergé et, un jour, on s'est
donc retrouvés tous les trois en studio. En général, c'est là
qu'on décide vraiment si on continue, ou si on arrête. C'est là
aussi que Jean-Paul nous a rejoints.
Bertrand : Quand
Jean-Paul a commencé à répéter avec nous, les morceaux se sont
installés, et on a repris confiance en nous. Ca fait naître une
motivation qui crée l'envie d'arriver jusqu'à l'album.
A propos de l'album, d'ou
vient son titre imprononçable 666.667 Club ? Ca va rendre
les disquaires completement fous !
Denis : Nous
travaillons avec une machine qui te permet de relever le tempo
d'un morceau sur une sorte de compteur. Au départ, on a fait des
concours, pour savoir qui allait jouer le plus vite en tapant sur
le clavier. Serge, le premier, est arrivé au chiffer 666.
Ensuite, nous tous - jusqu'à l'ingénieur et le producteur - sont
tombés sur ce chiffre ! D'oû "le club". C'était drôle
d'avoir le chiffre de la bête et de rajouter une lueur d'espoir
avec le 7.
Parlons d'espoir, justement,
puisqu'il y a deux ans, tu as brutalement perdu ta voix !
Bertrand :Brutalement,
c'est le mot ! (NDLR : à cause de polypes-tumeurs bénignes-sur
les cordes vocales). Aujourd'hui, je me protège en arretant de
parler quand je le veux (rires). En fait, je supprime l'alcool et
la cigarette en tournée. Perdre ma voix a été le truc le plus
flippant qui me soit jamais arrivé. Je sais qu'il existe des gens
qui vivent des événements autrement plus dramatiques, mais ce
truc-là ! C'était comme si j'avais totalement perdu la façon et
le droit de m'exprimer !
Vous avez choisi de faire
une tournée en deux temps : d'abord les petites salles puis les
grandes. Pourquoi ?
Sergio : On a eu de
très bonnes sensations sur des grandes salles de type Zénith
mais, a priori, on préfère jouer dans les petites. Par exemple,
on a récemment joué au Transbordeur de Lyon (NDLR : une salle de
1500 places). Là, tu n'as pas, d'un côté, le public et, de
l'autre, le groupe de rock qui vient faire son truc et qui s'en va
une fois qu'il a fini. Nous avons des morceaux vraiment intimistes
qu'on tient à jouer en concert, comme Septembre en attendant.
Si le public parle, on ne peux pas le jouer. Le niveau est
tellement bas qu'il ne nous entendrait plus. Donc, il faut qu'il
participe vraiment et que l'échange ne soit pas virtuel. La dernière
fois donc, lorsque nous avons entamé ce morceau, il y avait un
gros bruit de fond dans la salle. On a tout stoppé et on s'est
expliqués. Dix minutes plus tard, on a refait le titre. C'était
spontané et c'est très difficile de faire cela dans une grande
salle.
Lorsque vous-même allez écouter
des artistes sur scène, que recherchez-vous ?
Bertrand : Je recherche
avant tout la personnalité de l'artiste. Et cela peut prendre des
formes très différentes. Je peux passer par la musique gitane
qui a un "truc très baston". Il n'y a pas que le rock,
comme dirait l'autre ! Tout ce qui a de la personnalité est fort.
Comment se passe la
composition des chansons de Noir Désir ?
Bertrand : J'écris
les textes avant, mais il n'y a rien de figé. Je peux aussi avoir
des petites notes. Je ne sais plus qui disait "qu'une chanson
existe déjà et qu'il faut la saisir". Mais cela dit, ça
necessite pas mal de travail (rires). Il y a un tas d'idées, de
mots qui se bousculent dans ma tête. Et un jour, tu ne peux pas
empêcher que les portes s'ouvrent ! Mais lorsque l'on passe en
studio, on aborde les chansons en groupe. Et ça, ça relève
directement de la liberté.
Janvier 1997 (Phosphore
n°189)
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